dimanche 6 mars 2016

L'Afrique du Sud post-apartheid



C’est le 30 juin 1991 que la politique de l’Apartheid fut abolie par le Parti Nationaliste en Afrique du Sud.
Le 27 avril 1994, Nelson Mandela est élu président de la république d’Afrique du Sud. Pour la première fois, les individus catégorisés comme « non-blancs » ont l’autorisation d’aller voter. Nelson Mandela représente le leader de la lutte contre l’Apartheid  en tant que chef de l’ANC, et récolte donc sans surprise une majorité écrasante. Lors de ces élections, les sud-africains sont plus de 23 millions à aller voter.
Lors de son discours d’investiture, Nelson Mandela déclare qu’il souhaite que « ce magnifique pays qu’est l’Afrique du Sud, ne connaisse plus jamais l’oppression des uns par rapport aux autres, ni ne souffre de l’indignité d’être les pestiférés du monde ».
Seulement, malgré l’abolition de l’Apartheid et l’élection de Nelson Mandela, les inégalités subsistent dans ce pays marqué par la ségrégation sociale depuis tant d’années. Si le pouvoir est désormais entre les mains de l’ANC, Nelson Mandela connaîtra de grandes difficultés à construire sa « nation arc-en-ciel ».
En effet, si ce dernier souhaite rétablir l’égalité et faire en sorte que sa population, noire, blanche ou métisse vive en harmonie et en collectivité, la plupart des personnes ayant voter pour lui n’attende qu’une seule chose : que les non-blancs, après avoir été opprimés et torturés pendant toutes ces années, reprennent le pouvoir et dirigent le pays.
Nelson Mandela déclarait alors que le pardon apaise les âmes, et que pour construire une république unie et solidaire, ses frères et camarades se devaient de pardonner ceux qui les ont opprimés.
Au delà de cette dimension philosophique, un autre problème s’est alors posé : l’armée, la police et l’économie étaient toujours contrôlées par les Blancs, et leurs tourner le dos auraient rendus l’objectif de Mandela encore plus difficile. Mais comment réussir à bâtir une nation ou chacun vit en harmonie avec son prochain lorsque la majorité du pays fut martyrisée pendant des années, que ces derniers ne semblent pas près à pardonnés leurs opprimeurs et que ceux-ci ne semble pas non plus près à renoncer à leurs privilèges ?
L’Afrique du Sud rentre alors dans ce que l’on appelle l’ère « post-apartheid ». Car même si cette politique fut abolie, la mémoire des sud-africains restera à jamais marquée par cette sombre époque qui dura presque un demi-siècle.


                                    Nelson Mandela lors de son discours d’investiture, 1994




Cette période de l’Apartheid a inspiré de nombreux auteurs, écrivains et musiciens, qui ont, par le biais de l’art dénoncer ou approuver cette politique. Son abolition n’a pourtant pas arrêter cette inspiration : l’Afrique du Sud de Nelson Mandela et sa période d’après-apartheid continuent à susciter l’intérêt. Nous nous intéresserons donc à la manière dont cette période est représentée, de manière fictive (dans les films, les livres) ou réelle (documentaire, articles).


             La première œuvre sur laquelle nous nous pencherons est le film « Invictus », réalisé par Clint Eastwood et sorti le 13 janvier 2010.


Inspiré du livre « Déjouer l’ennemi : Nelson Mandela et le jeu qui a sauvé une nation » de J. Carlin, ce film retrace l’histoire du combat politique de Nelson Mandela, visant à réunifier sa nation. Incarné par Morgan Freeman, Nelson Mandela, à travers la Coupe du Monde de rugby qui s’est tenue en Afrique du Sud en 1995, souhaite regrouper son pays autour d’une équipe, autour d’un intérêt commun. Les Springboks (nom de l’équipe nationale de rugby) ne sont exclusivement soutenus pas les sud-africains blancs. En effet, le rugby est alors un sport très populaire chez les « Blancs » tandis que les noirs y préfèrent le football, et supportent n’importe quelle équipe qui affronte les Springboks. Ces derniers représentent l’apartheid en puissance, l’équipe est presque exclusivement composée de blancs et elle est soutenue par les grands dirigeants de l’Apartheid. Ce film et donc inspiré du roman de John Carlin, auteur sud-africain qui publia ce roman à a suite de nombreux entretiens avec Nelson Mandela.
L’histoire du film, bien qu’inspirée de faits réels est tout de même romancée et enjolivée. En effet, le début du film montre une république sud-africaine divisée : Nelson Mandela accède au pouvoir, mais la plupart des membres du gouvernement démissionnent, refusant de travailler avec lui. Son entourage refuse également de travailler avec les « Blancs », et lors de ses premières apparitions publiques, il est massivement hué.
 La première scène du film dévoile deux terrains de sport, séparé par une route. D’un coté, un groupe de jeunes blancs jouent au rugby, leur terrain est propre, bien tondu et bordé d’une haute palissade en acier.  Les jeunes portent l’uniforme de leurs équipes. De l’autre coté de la route, sur un terrain à l’abandon, un groupe de jeunes garçons noirs jouent au football. Leurs vêtements sont misérables. Ils sont donc séparés par une route, sur laquelle passe la voiture de Nelson Mandela, le jour de son élection. Il est escorté par des voitures de police. Lorsque le convoi présidentiel passe, la bande de jeunes garçons noirs l’acclament. De  l’autre coté de la route, l’entraineur de rugby déclare « Souvenez-vous de ce jour ou nous avons laisser notre pays aux chiens. ». Cette scène décrit avec exactitude l’atmosphère dans laquelle fut élu Nelson Mandela : un pays divisé, ou la haine et la rancoeurs des uns envers les autres s’accroit et ou les inégalités sociales sont plus fortes que jamais.
Nelson Mandela fait de la Coupe du Monde de rugby une affaire personnelle : il estime que cette équipe des Springboks incarnera la nouvelle Afrique du Sud. Avec l’aide du capitaine et de l’équipe, qui fut quelque peu réticente au début, Nelson Mandela popularise l’équipe : ils rendent visite aux enfants des townships et s’entrainent dur afin de redresser le niveau de l’équipe. Leur triomphe pendant la Coupe du Monde dépasse non seulement les attentes de certains mais réussit également à réunifier la nation. Les sud-africains possèdent un intérêt commun et s’investissent tous pour la même cause. Le pari est donc gagné pour Nelson Mandela.
Seulement, ce film n’est en réalité qu’une fiction, et bien qu’inspirée d’une histoire vraie, l’histoire est, comme énoncé précédemment, bien évidemment enjolivée. Car si la victoire des Springboks a surement permit à la nation arc-en-ciel de s’unifier quelque temps, les inégalités et la rancoeurs ne se sont pas envolées pour autant.

      http://www.dailymotion.com/video/x2jlnk8
Plus de vingt ans après la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud reste marquée par cette division raciale.  En effet, Nelson Mandela a représenté à lui seul le symbole de la lutte contre l’Apartheid, et son arrivée au pouvoir en a réellement marqué la fin. C’est pour cela que l’Afrique du Sud est représentée comme libérée dans les œuvres qui racontent sa vie et son arrivé au pouvoir. Seulement, la réalité sud-africaine est toute autre.
Dans ce reportage réalisé en 2014 par Stéphanie Lammoré et diffusé sur Arte, plusieurs jeunes sud-africains racontent leur histoire et leur quotidien dans l’Afrique du Sud aujourd’hui.
Le premier jeune à apparaitre à l’écran se nomme Tshikota. Il apparait d’abord à la radio, sous son pseudonyme « Washy le poète ». Il vient du township d’Alexandra, situé au nord de Johannesburg. Tshikota est un jeune homme noir, et il décrit son quartier comme un endroit ou les jeunes « sont poussés vers la drogue, vers la maladie et à ne plus aller à l’école ». Pour lui, le premier problème des jeunes des townships, est qu’il ne connaisse pas la chance de grandir auprès de leurs parents. En effet, à Alexandra, le travail se fait rare, et la plupart des mères se voient dans ‘obligation de travailler comme domestiques à Johannesburg, dans les familles bourgeoises. Tshikota ne connait pas son père, et il déclare que son seule père a été Nelson Mandela, que c’est ainsi que les jeunes le voient ici : comme le père de leurs patrie. Il est un fervent militant de l’ANC. Pour lui, c’est seulement en continuant à voter dans la continuité des idées de Nelson Mandela que l’Afrique du Sud pourra dépasser ses problèmes, qu’ils soient économiques ou sociaux. Il revendique sa liberté, mais annonce « Pour moi, la liberté à deux sens. Si la liberté représente le fait de pouvoir lutter pour ses idées et de les exprimer, alors oui, je me considère comme un home libre. Mais si la liberté est de posséder un toit, de pouvoir manger à sa fin, d’accéder aux études que je souhaite et de trouver du travail, alors non, je ne me considère par comme un home libre. »




                                                             Township d’Alexandra

Plus de 25% de la population sud-africaine est aujourd’hui au chômage, mais il touche principalement les personnes de couleur noire. L‘économie reste majoritairement contrôlée par les « Blancs ». Le président actuel de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma, a trempé dans de nombreuses affaires de corruption, et bon nombre de sud-africains disent se sentir trahis par l’ANC.
Un nouveau parti monte en flèche : il s’agit de l’EFF, Economic Freedom Fighters (Combatants de la Libérté Economique). Pour eux, l’Afrique du Sud reste touchée par la pauvreté et les chômage car l’économie est contrôlée par une minorité de la population.
Le deuxième jeune présenté par le reportage entre en scène : il s’agit également d’un jeune home noir, mais qui lui soutient l’EFF. Il déclare : « Frantz Fanon (nb. Psychiatre et essayiste français fortement impliqué dans la lutte contre l’oppression et er qui a aussi écrit sur les conséquences psychologique de la colonisation/décolonisation) a dit que chaque génération doit, à travers une relative obscurité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. Dans notre génération, nous avons trouver notre mission : obtenir la liberté économique de notre vivant. Voilà ml mission qu’on a identifiée et qu’on s’est fixée. » Le combat de personnes de couleurs se penchent aujourd’hui sur d’autre horizons. Ils ont obtenus les mêmes droits civiques et les mêmes libertés que les Blancs, mais la société sud-africaine reste tout de même fracturée socialement. Le pouvoir économique et l’accès aux études supérieures reste essentiellement réservés aux personnes blanches.
Le combat fait donc rage entre l’ANC, parti symbolique de Nelson Mandela, mais qui pour certains n’a pas su tenir ses promesses et est aujourd’hui corrompu, et l’EFF, pour qui la répartition des richesses doit se faire par l’État, car malgré la fin de l’Apartheid, les grands propriétaires terriens restent les blancs et l’économie reste fermée aux personnes de couleurs.


Streetart dans les rues de Johannesburg 


Rebecca a 21 ans, elle est étudiante à l’université du Cap. Pour elle, il est clair que les inégalités subsistent en Afrique du Sud. Issue d’une famille aisée, elle déclare « qu’il est difficile d’être privilégié dans ce pays, car tout le monde ne s sent pas libre et à force de parler avec des Noirs, je me rends compte qu’il est difficile de pardonner : l’Apartheid a encore des répercussions aujourd’hui . ».
L’Apartheid ayant pris fin assez récemment, l’Afrique du Sud se reconstruit aujourd’hui peu à peu.
L’arrivée de Nelson Mandela au pouvoir a permis de redonner de l’espoir à tous les sud-africains, et c’est pour cela que l’Afrique du Sud est représentée de manière assez utopique dans Invictus. Elle est présentée comme réunifiée et solide.
Seulement, comme il a été possible de l’observer à travers le reportage de Stéphanie Lammoré, la nation arc-en-ciel reste marquée par la division raciale, et les rancoeurs des uns envers les autres ne s’estompent pas. La mort de Nelson Mandela a énormément affecté le pays, lui qui était considéré comme le père de cette patrie.
Des combats différents se créent, les uns se battant pour obtenir ce que les autres ne veulent pas céder.
Et malgré l’abolition de l’Apartheid et des avancées importants dans les droits et les libertés des Noirs, la société sud-africaine reste extrêmement marquée par cette sombre période.




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